Les heures se suivent: Petit quotidien de Jo Kafka
Vendredi, après le déjeuner -
Le chat est étendu de tout son long, et dieu du ciel ce qu'il est long! Il est repu, il se prépare pour sa sieste mais auparavant, il doit faire sa toilette. Collé contre mon flanc, il se contorsionne pour accéder de la langue à des coins quasiment inaccessibbles. On le dirait fait de pâte à modeler ou encore mieux, on jurerait un de ces vieux Slinky de mon enfance qui se pliait de tous bords tous cotés. Sa concentration pour cette tâche est indéfectible, rien ne semble pouvoir l'arrêter. Aussi soudainement qu'il a commencé, il s'assoupie, sa langue rose pointant sous son museau, dans un mouvement inachevé, totalement détendu, sa tête reposant sur ma hanche.
Vendredi en après-midi -
Jour de marché, Jean-Talon oblige pour cause de chum British à qui les airs de vieille Europe rappellent des souvenirs précieux. La jeune femme aux dreadlocks qui tient la boutique de cadeaux était, encore aujourd'hui, d'humeur joyeuse. Elle "fittait" super bien avec l'air reggae des années 70 qui s'est invité par les haut-parleurs. Nous observant du coin de l'oeil, elle a attendu le moment où nous avons cesser de résister à l'envie d'esquisser quelques pas de danse, vieux couple complice, pour se mettre à rire de bon coeur. Elle avait l'air d'une Bobinette qui se prépare à jouer un bon tour genre pétard à la farine. Nous passons à la caisse tout en rigolant et en discutant avec elle de tout et rien quand, soudainement, dans un geste totalement spontané, elle nous offre un de nos achats, la belle bouteille thermos blanche au logo JM MTL. Calin improvisé. Gratitude réciproque. Quelque chose de rare et de précieux nous a été accordé et ce n'est pas la bouteille themos.
Vendredi tard -
Nuit torride... ben non, même pas sexy caline ! Juste terriblement hot, humide et un peu dégueulasse, faut ben l'admettre! Les draps ne tenaient pas en place, ils s'entortillaient autour de mon corps jusqu'à me transformer en momie gluante, suante, dégoulinante. Mon oreiller, rocher de plumes, n'a pas suffi à la tâche ingrate mais permanente de marchand de sable patenté qui lui est attribuée. Peut-être que tout le sable est occupé par les sun bathers des côtes ensoleillées, ce qui serait certainement en Thaïlande à l'heure qu'il était ! J'ai donc abandonné la chasse au sommeil et ouvert à nouveau mon livre à la page 20, me disant que "L'art comme procédé", ça devrait marcher, c'est d'un pénible ! Un coup de tonnerre monumental interrompit ma lecture, toujours à la page 20. J'ai laissé tomber le procédé et me suis endormie dans la minute, comme un bébé repu.
Samedi soir -
Crème glaçée, oh yessssssss !! La fille derrière le comptoir, boudinée dans son survêtement noir pelucheux, arborait un air de ruminant pas du tout sympathique. Aucune expression dans son visage autre que l'ennui profond dans lequel son job d'été la fait macérer. Ce qui devrait être une fête, à tout coup, se métamorphosat en déception. Elle était à court de chocolat, nos friandises n'en seraient recouvertes qu'à demi. Ce qui aurait pu être drôle avec n'importe qui d'autre a pris un air de platitude sans nom! Tsé quand t'as pas la tête de l'emploi ! Nos cornets ne seraient qu'à moitié habillés ? Ça sonne comme une grosse misère de privilégiés, non ? Nous sommes sortis en léchant nos cornets et en ricanant méchamment, comme des ados détestables, oui oui, nous nous sommes allégrement moqués de la rabat-joie malheureuse derrière ce comptoir qui devrait être le lieu le plus joyeux au monde par temps caniculaire. Et elle le méritait bien !
Lundi avant-midi -
Les oisillons sont déjà grands. La mangeoire requiert un remplissage quotidien de grains de mais, millet, tournesol et autres gourmandises. Oui, gourmandises pour les gourmands! J'ai beau me dire que ces oiseaux sauvages ne connaissent pas ce péché commun à notre espèce et à nos chiens et chats familiers mais ils semblent vraiment insatiables. Malgré tous mes bons soins, ces petits plumeaux ne me font aucunement confiance. Je ne suis qu'un outil remplisseur de mangeoire duquel ils se cachent à toute vitesse. Dès que je me pointe avec mon sac de grains, comme ce matin, ils prennent leurs ailes à leur cou et disparaissent dans la nature sans même me regarder. Dès mon retour à l'intérieur, ils sont tous là à nouveau, à se repaître en se chamaillant avec les écureuils pour qui aura le meilleur de ce resto du coeur à ciel ouvert.