La page fendue de ChicoineL
Je courus une heure, me retournant, moult fois traver-
sant plusieurs quartiers. J’avais juste envie de
ne pas les recroiser, j’entendais leurs pas,
le souffle me manqua, j’avais les jambes chance-
lantes, globes exorbités, je ne savais plus où je
me situais.
Planqué derrière les portes d’une église, où il y avait une fe-
ria, j’accomplis un geste : je me signai. Et je pensai à tout ce que j’avais
dû risquer. Pour éviter de m’apitoyer sur mon sort,
j'ouvris mon sac à dos. Avec les mains, j’essayais de voir ce qui
restait, puis, jambes écar tées, je me suis penché, et alors
je sortis de sous mon linge des messages reliés
postés par ma mère, ceux-là que j'avais reçus et
depuis des mois, refusé de les ouvrir.
Je les décachetai.
Que pouvait me dire ces missives? Après tout, c’est elle qui s’était en-
fuie sans commentaire, qui avait eu des regrets un
matin dans sa lointaine contrée, et avait décidé de me joindre,
laissant qu’une adresse b idon. Que vais-je faire ?
Surtout, comment par venir à les lire… puisque je suis,
analphabète.