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Histoire à trois voix de Ève Charette

Nathalie

Couchée par terre dans la salle de bain…l’odeur du sang est intolérable et j’ai peine à soulever ma tête. Je ne comprends rien à ce qui m'arrive. Je pense à ma mère.

J’ai horriblement mal. Vais-je mourir moi aussi ? Je ne fais que pleurer.

La laisser partir. Vais-je la sentir passer… J'ai l'impression que tout s'effondre autour de moi. Absence.

Puis, ils sont entrés en trombe par la porte arrière, bousculant tout sur leur passage en criant mon nom. Ils ne m’entendent pas crier. Le Laudate Dominum de ma mère enterre ma voix. Vais-je être enterrée aussi ?

Ils me trouvent enfin. Souillée dans mon sang. Ils me soulèvent et m’enveloppent dans une grosse couverture. Nous filons à l’urgence.

Je suis rapidement sur la table d’examen avec la sonde d’écho sur le bas ventre. Je cherche Joe du regard.

Absence.

« L’embryon est encore là Nathalie, il s’est logé dans une de tes trompes de Fallope. Tu fais une grossesse extra utérine et même si ton embryon est petit ça entrainé l’éclatement de ta trompe et tu es en hémorragie massive. C’est vital Nathalie. On s’occupe de toi »

à Laudate Dominum

à Omnes gentes

à Laudate eum

à Omnes populi

à Quoniam confirmata est

à Super nos misericordia eius

à Et véritas Dominin

à Manet in aetermum

à Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto

Absence.

«S'il vous plait la vie, redonnez-moi une chance de rencontrer à nouveau ma petite Julianne»


Joe

Je ne m'attendais pas à souffrir autant. Je ne m'attendais à rien en particulier, mais franchement pas à ça. Pourtant j'ai essayé d'être près d'elle tout le long des 12 semaines de grossesses. Je pensais que je savais ce qu'étaient des contractions mais tout compte fait, je n'en savais rien.

Nathalie a commencé à avoir des contractions dès la sixième semaine de grossesse et le Doc nous a assuré que c'était parce que son corps se préparait à l'accouchement.

«Il ne faut pas s'alarmer, c'est fréquent»

En tout cas, les siennes semblaient atrocement douloureuses.

Nathalie voulait laisser opérer le processus de grossesse et ne pas commencer à s'inquiéter pour rien.

Je me levais régulièrement pour voir si elle allait bien. Elle s'était assoupie, enfin.

J'ai naïvement cru qu'une sieste salvatrice ferait en sorte que tout rentrerait dans l'ordre et je suis allée prendre l'air. J'ai marché comme une âme en peine sans savoir ou j'allais, sans savoir ou on s'en allait tous les deux...

Le temps est entre chien et loup quand je songe à rentrer. Mon portable vibre, c'est Nathalie, elle doit être inquiète. Je le prend aussitôt mais je n'entends rien...à peine un gémissement. Elle ne répond pas non plus quand je crie son nom. Je raccroche et j'appelle les urgences en courant pour aller rejoindre Nathalie. Je suis en mode survie. La survie de Nathalie et de bébé Julianne.

Quand j'arrive enfin, les ambulanciers sortent de la maison avec Nathalie sur une civière comme une morte. La scène est intolérable.

Au delà de la peur d'une fausse couche, de la souffrance de Nathalie, de sa mort peut-être ? de l'épreuve psychologique, j'éprouve une solitude viscérale, une douleur décuplée par le vide, par le vertige des jours à venir sans notre bébé et le stress de ne pas être à la hauteur.


Julianne

Maman a perdu son sourire. Je la sens triste, elle s’en fait pour moi.

J’étais si bien dans son nid douillet.

« Ah, je sais que les nids sont pour les oiseaux mais je suis son petit oisillon comme dit papa. »

Depuis quelques jours, je suis très à l’étroit dans son ventre. Je n’arrive plus à bouger, n’y a entendre sa voix.

« Est-ce que c’est ça être morte? »

Je fais mon possible pour lui laisser de l’espace mais je n’y arrive plus.

J’aperçois, le visage de maman qui est pâle et tranquille. Papa est plus loin dans une autre salle.

« Maman, tu ne vas pas mourir aussi. C’est comme pour dire au revoir. Je ne serai plus là dans ton ventre mais partout où tu iras, j’irai avec toi. »

« Même quand on est séparé par la mort, on peut encore s’aimer très fort. Tu vas rester ma maman toujours comme maintenant. Je vais continuer d’exister pour vous deux et revenir une autre vie, je vous aime »

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