Escales
Archétype de l’atypique, CB a désespérément cherché durant 55 ans à dissimuler ses tics, tares et bizarreries pour finalement décider qu’elle vivait bien mieux en les assumant.
De son enfance, on gardera surtout sa capacité à grimper aux arbres, si improbable que personne n’eut jamais l’idée de lever les yeux pour l’y découvrir lorsqu’elle y cherchait refuge et un nombre impressionnant de mensonges qui, bien que douloureux pour son honnêteté un peu rigide, choquaient moins que ses vérités.
S’alléger en jetant tout par-dessus bord s’est un jour imposé à elle comme une excellente idée.
Une première tentative de table rase lui a fait fuir la banlieue parisienne, trop loin de la Seine, pour un petit village le long de l’Hérault où sa dépression l’aida à se bâtir une image d’elle-même dont elle parvint à être fière. Poussée alors par l’envie de ne plus sentir les regards qui la voyait encore sous le prisme d’antan, elle démarra une nouvelle page de son existence au Québec, aux abords du majestueux fjord du Saguenay - Il semble que l’eau, dans laquelle elle a pourtant si peur de s’immerger, joue un rôle clé dans le fil de sa vie.
La plupart de ses excentricités passant ici pour de simples déviances culturelles, elle y vit l’occasion de se fondre dans le décor. Elle acheta une maison avec un conjoint non exempt lui-même de quelques particularités incongrues, eu une belle fille en santé pour laquelle elle fut une mère louve, toujours en étonnement sur les capacités… et les défaillances de sa progéniture et occupa plus de 25 ans le même emploi.
Réalisant au beau milieu d’une réunion la somme de renoncements auxquelles elle avait toutefois dû se soumettre pour rester à ce poste, dans un métier qu’elle aimait beaucoup trop pour supporter de ne pas le faire aussi bien qu’elle le désirait, elle prit décision de tourner une nouvelle fois la page.
Laissant ainsi s’offrir à elle une feuille blanche qu’elle s’efforce aujourd’hui de remplir.